
À propos de ce podcast:
Laurent Goldring – artiste plasticien, photographe, vidéaste – construit depuis les années 90, à partir de la question de l’image, de la représentation – dont celle du corps et du nu – une œuvre singulière au carrefour de la photographie et du cinéma, des arts plastiques et de la philosophie, des arts de la scène et des arts vivants, mais aussi du dessin et du numérique. Ainsi ses pièces ont-elles été très tôt reconnues et ont fait l’objet d’études de la part de critiques, de penseurs et théoriciens de la danse, de l’image fixe ou mobile. (C. Van Assche, L. Louppe, C. Millet, C. Beghin, Fr. Parfait…). Par ailleurs ses pièces, ses installations, ses spectacles, ses collaborations chorégraphiques, ont été montrées, exposées dans des lieux prestigieux tant en France qu’à l’étranger – FRAC Franche Comté L’homme qui dort (2025), Dancing Machine (2020), Musée des Beaux-Arts de Lyon (2019), Kindl à Berlin, Biennale de Venise, (2026), Garage à Moscou (2016), Le Bal – Paris, 2016), Jeu de Paume – Paris, (2014), Palais de Tokyo, Paris (2016) MOMA PS1 (2014), Fondation Gulbenkian (2002), Musée National d’Art Moderne (Expo N°26, 2002)…- et nombre de ses œuvres ont été acquises par les institutions dont le Centre Pompidou à Paris (en 2022, 24 images seconde en 2013, Petite chronique de l’image (1995/2002) en 2003, Sans titre en 1984), le CND à Pantin…
https://www.galeriemaubert.com/laurent-goldring




© Laurent Goldring / Courtesy Laurent Goldring



© Laurent Goldring / Courtesy Laurent Goldring


© Laurent Goldring / Courtesy Laurent Goldring


© Baptiste Rabichon
Quelques pistes pour aller plus loin …
Aumont Jacques, Montage Eisenstein, éd. Albatros, 1979.
Banes Sally, Terpsichore en basket(s)-Postmodern dance, trad. D Luccioni, Paris, Chiron/CND, 2002.
Berthoz Alain, Le sens du mouvement, Paris, Odile Jacob, 1997.
Brecht Berthold, Ecrits sur le théâtre, (s.l.d, J.M Valentin) Gallimard, 2000.
(de) Certeau Michel, L’invention du quotidien. 1. arts du faire, Gallimard, 1990.
Corbin A., Courtine J.-J. Vigarello G. (éd.), Histoire du corps, 3 t., Paris, Seuil. 2011.
Deleuze Gilles, Françis Bacon – Logique de la Sensation, éd du Seuil, 1981.
Didi Huberman Georges, Fra Angelico: dissemblance et figuration, éd. Flammarion, 1990.
Didi Huberman Georges, Le cube et le visage, éd Macula, 2007.
Dusapin Pascal, Une musique en train de se faire, éd du Seuil, 2009.
Halprin Anna, Mouvements de vie, trad : E. Argaud & D. Luccioni, Bruxelles, Contredanse, 2009.
Harmut Rosa, Résonance, une sociologie de la relation au monde, trad. O.Mannoni, éd La decouverte, 2023.
Isadora Ducan, Une sculpture vivante, éd Paris-Musées, 2009.
Jameson Fredéric, Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, éd. .Ecole Nationale Supérieure des Beaux- Arts, 2007.
Julien François, Les transformations silencieuses, éd.Grasset, 2009.
Launay Isabelle, À la recherche d’une danse moderne. Rudolf Laban – Mary Wigman, Paris, Librairie de la Danse, 1996
Leroi Gourhan, Evolution et Techniques, L’homme et la matière,T1, éd. Albin Michel, 1943 .
Le Roy Xavier, Rétrospective, éd. Bojana Cvejic’ – Les presses du réel, 2014.
Loupe Laurence, Poétique de la danse contemporaine, Bruxelles, éd Contredanse, (1997) – 2007
Marey Etienne-Jules « La chronophotographie : nouvelle méthode pour analyser le mouvement dans les sciences physiques et naturelles », Revue générale des sciences pures et appliquées, no 2, 1891.
Marey Etienne Jules, Le mouvement, éd.Masson, 1894.
Moholy-Nagy Laszlo, Peinture Photographie Film et autres écrits sur la photographie. (1925), Nîmes, éd. J. Chambon, 1993.
Pareyson Luigi, Esthétique. Théorie de la formativité. Trad. G.A Tiberghien, éd. Rue d’Ulm/ ENS, coll. Aesthética, 2007.
Peirce, Charles S, Ecrits sur le signe, trad, G Deledalle, éd . du Seuil, 1978.
Rainer Yvonne, A Woman Who… Essays, Interviews, Scripte, The Johns Hopkins, University Press, Baltimore, 1999.
Simondon Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques, (1958), éd. Flammarion, 2004.
Podcast enregistré et produit au studio radio, Studio 8, du Service création audiovisuelle de l’université Paris 8.
Extraits:
M-D
… travail artistique où le corps et ses images, la manière de le représenter, de le faire voir…vont être au centre de vos recherches et de vos œuvres… c’est à partir de ces questionnements, de ce travail sur le voir , sur ce que vous appelez … « une image vraie »… que va se construire, résonner une grande partie de vos pièces… résonnance avec le milieu de la danse…. mais aussi résonnance avec l’ image fixe, arrêtée et en mouvementL-G
… comment on voit le monde ? … pour le décrire, pour le comprendre, pour avoir un discours dessus il faut aussi pouvoir le voir… impression d’un grand déficit d’images… [alors que dans les années 90] … toutes les images avaient été déjà faites… la question c’était de les faire circuler…de les faire jouer les unes avec les autres… comme l’interdiction de faire de nouvelles images… il y a eu un moment où j’ai essayé de tester çà sur le NU… est ce qu’il est possible d’avoir un nouveau regard sur le nu, une nouvelle façon d’aborder le corps humain ?… j’ai découvert que pour faire de nouvelles images, il faut absolument changer les rapports qui sont inclus dans la production des images… photographe et modèle….ou entre chorégraphe et danseur… c’est le moment où je rencontre la danse contemporaine, où je rencontre des gens qui ne sont pas en train de travailler sur « qu’ est-ce que l’on peut faire avec le corps » mais « qu’est-ce que c’est que ce corps avec lequel on travaille »… et là je mets au point un protocole de prise de vue… très objectivant - et l’important était d’avoir quelqu’un en face… qui ait son propre projet … avec l’idée que l’on ne sait pas… si on va arriver à un résultat ou pas - et un protocole de prise de vues, où les gens avec qui je travaille, regarde l’image après que cette image ait été créée… je construis l’image et eux peuvent la regarder après… il y a une prise de possession de cette image… il y a un droit de veto sur ces images qui donne une grande liberté … une image juste est une image où chacun est auteur à 100% …M-D
… « voir pour comprendre » , il y a cette idée du chercheur de fond … une relecture, un ressassement… vous êtes passé d’un corps qui commence à se transformer à la transformation du corps comme image du corps … quelque chose s’est passé dans ce que vous donnez à voir.L-G
les 6 photo-rouleaux… qui sont datés (1992-2023… c’est un travail que je commence directement inspiré de Marey, et qui consiste à photographier l’espace et le temps, en même temps j’arrive à moduler l’avance du film argentique... série qui essaie de réinjecter du temps dans la photo mais dès que je passe à l’image mouvement je vais arrêter les photos rouleaux et les vraies découvertes que je fais avec le corps sont postérieures aux photos rouleaux… quand j’arrête de travailler avec l’appareil photo et que je commence à travailler avec la caméra, la rencontre avec Xavier Le Roy se fait… je mets ce protocole de filmage au point … c’est un travail à auteurs multiples qui ne font pas forcément la même chose… c’est moins la question des co-auteurs qu’une façon de travailler qui remet en question la notion d’auteur… dans la notion d’auteur il y a la notion d’autorité, la notion de propriété qui ne colle pas du tout avec le travail artistique… Quand je commence à travailler avec Xavier sur le nu, …je travaille sur les notions de prévisibilités… qu’est-ce que l’on voit… qu’est-ce que l’on accepte de ne pas voir, qu’est-ce que l’on voit sans voir ? … les prévisibilités ne sont pas de l’ordre de la vue, du regard… de l’image mais de l’ordre du signe… qui répond à des critères d’obéissance et de reconnaissance… Il a fallu enlever tous les signes qui prolifèrent sur un corps… il y a une façon de filmer qui s’est dégagée, qui a permis de faire des portraits de corps très spécifiques… le signe que j’avais réussi à déverrouiller au niveau de la représentation du corps [ c’était] que la question du genre devenait secondaire et non obligatoire ;.. pour moi ce qui fait vraiment rupture, c’est moins de montrer des choses nouvelles que de se débarrasser d’une obligation de voir , et d’une obligation de montrer...M-D
… vous avez aussi écrit un texte à l’époque sur la dissemblance… travail de déplacements, variations, de modulations… allez chercher ce qui est là… réflexion de physiologiste, de danseur, comment l’extérieur fait voir l’intérieur … dans ce qu’il va dire que quelque chose du vivant travaille…L-G
au moment de la construction de l’image (avec Xavier ou Donata) çà ne change pas…je donne des instructions directement à l’écran, je construis l’image… il y a une réponse un peu à l’aveugle qui se développe progressivement et puis à un moment il y a des choses tout à fait inédites qui viennent surgir.. Avec Donata…à partir du travail que l’on a fait… je l’aide à construire cette pièce… d’une façon qui brouille toutes les histoires de regard extérieur, de co-auteur.. C’est la première fois que je rencontre le projet, que je rencontre des producteurs… qu’on demande qui fait quoi,, Avec Germana on a commencé à travailler sur le visage… et en commençant à travailler avec des comédiens, je me suis rendu compte que’ils avaient un rapport à leur visage qui n’avait rien à voir avec les danseurs contemporains avec leur corps… en fait je me suis retrouvé à travailler avec les danseurs … sur le visage… au lieu de bouger un coude, un doigt… c’était une joue, la langue, … [et] avec Germana on a tous ces visages qui prolifèrent.M-D
idée de résonnance que vs avez avec d’autres disciplines …L-G
« cessez d’être un » … est dans une vaste sculpture de fils tissée avant, autour du corps. La construction de cette sculpture s’est faite avec un travail préparatoire autour du corps de façon…à avoir quelque chose qui permette les évolutions à l’intérieur .. je découvre progressivement que travailler avec un corps nu ou un corps habillé c’est pareil…que ça a l’intérêt de faire résonner le corps et le costume ensemble.. Les deux sont réellement en synergie ... car je traite le costume comme une première couche d’extérieur autour du corps mais aussi comme une sorte de prothèse de peau… c’est le 1° espace autour d’un corps … [mais] Je découvre que le vêtement que l’on peut considérer comme prothèse de peau…mais également … [comme] une tente, une maison.. idée du cocon… L’espace construit par le corps, généré par le corps …cette structure de fil conçue comme une sorte de terrier aérien .. idée de prothèse qui prolifère autour d’un corps pour dessiner l’espace.. sculptures générées par le corps … [je]commence à construire des scènes ;.. avec X et Donata un des dialogues que l’on a eu ensemble était sur la notion de scène où ce que je construisais au niveau de l’image, c’était un certain nombre d’évènements qui se passent au niveau du corps, … ce n'était pas un corps sur scène un corps posé mais c’était le corps lui-même qui devenait la scène de différents évènements.. L’origine des images est dans le corps… et pareil pour l’espace : l’espace n’est pas un lieu dans lequel les corps sont, mais l’espace est généré par le corps lui-même.M-D
il y a la création d’un corps qui est scène et en même temps…. vous venez de nous sensibiliser au terme de prothèse – mais la... il y a du corps, mais aussi des ombres projetées, ou des silhouettes projetées sur votre écran…L-G
j’ai mis au point 2 choses: transformer les danseurs en images , en dessins … Ils deviennent des silhouettes et travailler le dessin – non pas que le dessin aboutit à des formes ; mais le dessin est lui même un mouvement ;.. c’est le mouvement.. les moments les plus intéressants dans cette pièces c’est les moments où je dessine blanc sur noir ;..je fais surgir un espace qui est en même temps de lignes, et qui en même temps dessine un vague paysage urbain autour d’eux, qui les fait voir … là c’est vraiment créer une scène avec le dessin . Par contre ce dessin est fabriqué au fur et à mesure avec les traces mêmes des déplacement des danseurs.M-D
« le temps des mains », pièce que vous avez fait, malgré, à cause, pendant la Covid et…dans laquelle on retrouve tout ce que vous nous avez transmis.. à savoir : Un contact avec des gens que vs connaissiez, par l’intermédiaire d’un écran, d’un espace de communication (skype à l’époque) Vous avez donné des instructions, ici, « se laver les mains »… Et c’est une pièce qui est en résonnance avec nombre de choses que l’on a vues ; mais on peut ouvrir, il y a aussi de la sculpture, de la danse ;.. du cinéma, de la philosophie ;.. de ce réel que vs n’arrêtez pas de questionner, de cette image vraie ou pas, de cette attention à soi-même .... Est-ce que cette pièce est une polyphonie de résonnances ?L-G
ça a été peut être une des pièces les moins réfléchie ;.. les moins pensée;.. mais par contre, effectivement ; en résonnance avec la construction de son propre corps… en quoi se laver les mains, est une pratique corporelle, une pratique sociale ?… c’est quelque chose de ritualiser… Et l’autre aspect c’était que sur Skype, l’image n’était pas très bonne, scandaleusement une atteinte au visage absolument terrible [mais] çà a donné une série sur les mains où là, je regarde, comme j’ai l’habitude de filmer : Il y a la dichotomie, signe et image … Les écrans sont des purs signes... skype c’est fait pour donner un RV de travail.. c’est le monde du travail qui vient écraser le monde de l’intimité de l’intérieur..
Auteur:

Auteure :
Michelle Debat
Critique d’art, membre de l’AICA - France, professeur des universités, théoricienne de la photographie et de l’art contemporain. Elle a notamment publié son autoportrait théorique en photographie et art contemporain, La photographie : essai pour un art indisciplinable. éd. PUV. 2020.