À propos de ce podcast:
Baptiste Rabichon est un artiste visuel pour lequel la photographie est le terrain de jeu d’une multiplicité de gestes et d’outils.
Formé à l’ENSA de Dijon (2009), ENSBA de Lyon 2011 puis de Paris, il intègre en 2015 le Studio National des Arts Contemporains (Le Fresnoy) dont il sort diplômé en 2017. Lauréat la même année de la résidence BMW, en résidence en Inde, dès 2018, il expose au 63ème Salon de Montrouge en 2018 puis dans nombre de galeries et institutions en France et à l’étranger (Flash France, Institut Culturel Français, New-Delhi, Luxembourg, Paris, Nîmes, Arles, Avignon…dont au Musée de la photographie Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône (23-24). En 2022 il est lauréat du prix Camera Clara qui couronne sa démarche singulière avec, dans, contre, les différentes chambres noires de la photographique d’hier et d’aujourd’hui.
© Baptiste Rabichon
Solo Show 10/10/24- 10/11/24 - galerie Binôme
Uniques transparent C-print 40 x 30 cm
© Baptiste Rabichon
© Baptiste Rabichon
© Baptiste Rabichon
La Terrasse espace d’art, Nanterre, France (2019)
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
© Baptiste Rabichon
© Baptiste Rabichon
© Baptiste Rabichon
Quelques pistes pour aller plus loin …
Baudrillard Jean, Le système des objets, Gallimard, 1978.
Benjamin Walter, L’homme, le langage et la culture, trad. M de Gandillac, éd. Denoël, 1971.
Coavous Samuel, Rufat Samuel et Hovig Ter Minassian, Espaces et temps du jeu vidéo, éd. Vrin, 2017.
Couchot Edmond, La technologie dans l’art – De la photographie à la réalité virtuelle. Nîmes, J. Chambon, 1998.
Ducos Du Hauron Louis et Alcide, La photographie des couleurs et les découvertes de Louis Ducos du Hauron, Paris, A.-L. Guyot, 1898.
Duve Thierry de, « Jeff Wall. Peinture et photographie » in La confusion des genres en photographie, (actes colloque), co-dir, Picaudé V et Arbaîzar Ph, Paris, éd BNF, 2001.
Eco Umberto, « Le hasard » in Revue L’ Arc, n°21, “La photographie”, Aix-en-Provence, 1963.
Flusser Vilém, Pour une philosophie de la photographie, trad. J.Mouchard, Circé.,1996.
Guerin Michel, Philosophie du geste, éd Actes Sud, 1995.
Heider Fritz, Chose et médium, (1926), trad. E Alloa, éd. Vrin, 2017.
Lavedrine, Bertrand, The Lumiere Autochrome: History, Technology, and Preservation, J.Paul Getty Museum, 2013.
Moholy-Nagy Laszlo, Peinture Photographie Film et autres écrits sur la photographie. (1925), Nîmes, éd. J. Chambon, 1993.
Marshall, Mac Luhan, Pour comprendre les média: Les prolongements technologiques de l’homme, trad. J. Paré, Seuil, 1977.
Moles Abraham A, Rohmer Elisabteh, Théorie des actes : vers une écologie des actions, Casterman, 1977.
Neusüss Floris, Das Fotogramm in der Kunst des 20. Jahrhunderts, Cologne, DuMont Verlag, 1990.
Mondzain Marie-José, Homo Spectator, éd. Bayard, 2007.
Perec Georges, Les choses, ed. Julliard, 1965.
Ponge Francis, Le parti pris des choses, Gallimard, 1942.
Proust Marcel, « Le temps retrouvé » in A la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, 1989.
Rancière Jacques, Le destin des images, éd. La fabrique, 2003.
Renger Patzsch Albert, Das Welt ist schön, Munich, 1928.
Richter Gerhard, Textes 1962-1963, Les Presses du Réel, 2012.
Sayag Alain, L’Ecotais de Emmanuelle, Man Ray: La photographie à l’envers de Man Ray, coll, éd. Seuil, 1998.
Podcast enregistré et produit au studio radio, Studio 8, du Service création audiovisuelle de l’université Paris 8.
Extraits:
M-D :
Baptiste Rabichon…photographe, plasticien…vous travaillez avec la chambre noire… « dans » une chambre noire… mais aussi avec d’autres sortes de chambres noires… logiciels, téléphones portables … tout ceci forme un grand laboratoire d’outils, d’objets qui définissent des matérialités plurielles… qui ont un destin pictural et photographique…B-R :
série Beautiful light Diamond the sky (2016)… une sorte de photogramme éloigné … ce n’est pas un photogramme dans la mesure où il n’y a pas de contact avec l’objet, il n’y a pas d’intermédiaire, on est vraiment dans la matière de l’objet qui est projeté.M-D :
intérêt pour la projection, pour ce qui s’empreint, ce qui s’enregistre… série Galaxie (2024)… « identité identitaire »… le smartphone… ce petit objet que vs appellerez plus tard « nos petits monolithes du 20 ° » !B-R :
On est devant des cartes stellaires mais qui sont aussi des cartes de notre identité… [en 10 ans… cet objet [le smarphone] qui était là, mais qui n’était pas encore totalement démocratisé… était utilisé par les artistes comme une sorte d’énorme totem… et quelques années après il est jeté sur le papier comme d’autres objets … comme la composante lambda d’un photogramme..M-D :
contradiction entre un objet à la fois sacralisé et désacralisé… On est dans une conscience sociétale…. Et série Orly (2017).. conjugue processus du photogramme, utilisation de la projection, de l’objet du quotidien… passage d’une sorte d’intimité à extimité… chambre noire…/scan…B-R :
Objets déposés sur un tapis roulant d’un scanner à bagages… une sorte de nature morte translucide… mais ce qui est peut être au cœur de ce travail, c’ est aussi une envie de s’ approprier un outil auquel on n’a pas axé… se servir de cet outil dans ce qu’il devrait être, au service d’une politique et pas un outil politique… c’est poétiser les machines, aller contre elles… - être libre c’est jouer contre les appareils…M-D :
« Chirales » (2017)… diptyques , série numérique mais dont on pourrait penser qu’elle est picturale ! … dialectique matérialité/ picturalité, travaillant avec d’autres dualités : transparence et opacité, geste et automaticité, froideur et sensualité, tactile et haptique.B-R :
Chirales » … travaillée comme un trompe l’œil … mixte entre la composition et l’enregistrement… c’est l’idée de l’enregistrement qui m’intéresse, c’est l’envie que le monde soit là… la présence du réel hormis moi…cette danse entre … ce que je vais penser et faire de mon propre chef et ce qui surgit du monde dans l’image… la pièce en est le résultat hybride même si on peut dire que c’est la photographie…j’ai fait de cet aspect-là de la photo, le cœur de ma pratique…M-D :
images au sens charnel du terme et en même temps support glacial (la vitre du scan..)B-R :
On a deux images de la « même » peinture.. .deux scanners … vont se scanner mutuellement… images en faux miroir.. sorte de symétrie étrange [définition de Chiralité]… l’image est le résultat de ce qui s’est passé entre les deux machines…ce qui est là et qui m’échappe complètement… c’est l’enregistrement qui a créé autre chose..M-D :
oscillation entre la nature et l’abstraction… sorte de patchwork…et intrusion de l’identité, de l’intime… des mélanges… « Ranelag » « 17° » « Lodhi Gardens trees » (2017)B-R :
Ce sont vraiment des mélanges, même techniquement, technologies analogiques numériques s’interpénètrent car tirages faits en plusieurs expositions… ce sont des photogrammes... réalisés sur un support déjà sensibilisé par une image numérique qui consistait en d’énormes patchwork de végétaux … idée d’avoir une sorte de profusion, de créer une sorte sur jardin… comment l’humain représente la végétation, ? Ces images sont des mises en abyme des images du travail… [ici] je suis dans le noir… aller et retour entre l’imagination et ce qui va être produit.M-D :
Dans le noir… quand vous dites-vous que là, « c’est bon »,B-R :
Tout se fait au toucher… du papier, des gestes..M-D :
Vous travaillez en aveugle ? …B-R :
En aveugle complet… mais ce qui surgit aussi ici, c’est que le papier est comme un œil qui enregistre ce qui se passe… La différence entre ce que l’on voit dans le noir quand on allume rapidement la lumière et ce qui en résulte sur le papier ... est abyssale.M-D :
vous travaillez dans le noir et vous produisez des séries extrêmement colorées… série « Balcons » -- construction en plans de l’image.. mélange et complexité dans ces images tableaux…B-R :
série très complète… Le balcon, sujet le plus parlant pour ces histoires… de plans traversant, de plongée, de mélange intérieur/ extérieur… de ce que l’on peut voir, et qui voit… tous ces jeux induits par ce que j’aime réaliser comme enchevêtrements mais aussi par les techniques elles-mêmes entre numérique et argentique .M-D :
trilogie: « Blue Screen of Death » - « Verbatim » (22-) -« Display Tears » (23) – notion d’écran… outils photos, enjeux esthétiques, mais aussi une [certaine]« clarté picturale »…B-R :
L’écran au cœur de ces 3 séries .. dans Blue Screen of Death était le surnom que l’on donnait au plantage des premiers ordinateurs - prémonition involontaire de l’envahissement de nos vies par les écrans…et les smartphones en particulier [qui] ont prothétisé notre monde… l’idée est que même le geste créateur n’est plus possible sans cette chose… il y a cette contradiction qui fait que cette série n’est possible que parce qu’il y a cet objet qui lui-même devient le co-producteur du travail…M-D :
série sur les supports… quelque chose qui pourrait être tactile…B-R :
jeu entre digital et analogique, c’est leur rencontre, à chaque fois différente… Dans Les balcons, c’est une rencontre physique sur le papier, les deux sont là, dans Blue Screen of Death … c’est un écran d’outil numérique qui vient dialoguer avec un photogramme - geste primitif de la photographie… dans Display Tears c’est de la photo macro analogique tirée sur papier…[mais] une série précédente -20°siècle- des peintures abstraites projetées sur papier sensible, une série de prise de vues studio de maquettes qui faisaient échos au cinéma américain et une autre série sur les jeux vidéo des années 80.. c’était une réflexion sur ce 20° …qui nous colonise encore… Et peut-être que les trois séries qui ont suivi… consacrées sur ce qui se passe aujourd’hui ?M-D :
Utilisation de termes de l’économie du 20° et 21° siècle – Galaxie, Verbatim… rapport à la linguistique… aux outils de traduction… c’est le langage, le code qui nous permet de traduire une image… déjà présent dans une de vos premières images : « Emma » (2012..) . Est-ce que vous ne travaillez pas avec cette « oxymore »: une « objectivité imaginaire » ou une utopie mémorielle ? travail dès vos débuts avec ces antinomies et complémentarités … car les mélanges chez vous ce sont des complémentarités !B-R :
J’appelle cela aussi frictions… Emma résulte de la prise de conscience que la photo numérique c’est du texte… de la traduction.. .prise de conscience arrivée de cette fuite dans la virtualité, de cette idée que tout n’est qu’information, que tout n’est que code… l’image numérique c’est du texte, du code du langage ce qui nous constitue en tant qu’humain et la photographie analogique c’est un souvenir qu’il y a aussi du physique, des lois qui elles, sont immuables et sont totalement à côté de nous, en dehors, … c’est cette cohabitation permanente , et donc une « objectivité imaginaire »… Il y a des vertiges auxquels j’essaie de donner forme.Auteur:
Auteure :
Michelle Debat
Critique d’art, membre de l’AICA - France, professeur des universités, théoricienne de la photographie et de l’art contemporain. Elle a notamment publié son autoportrait théorique en photographie et art contemporain, La photographie : essai pour un art indisciplinable. éd. PUV. 2020.