À propos de ce podcast:
Henri Foucault est un artiste français, sculpteur, photographe, vidéaste dont l’œuvre est à la croisée des médiums a déjà fait l’objet d’une reconnaissance nationale et internationale de part un très grand nombre d’expositions. (l’Hôtel de la Monnaie à Paris, le musée Fortuny à Venise…) et de part sa présence dans des collections tant publiques que privées.
Mais c’est le photogramme en tant que geste performatif qui aura été le déclencheur d’expérimentation des supports et des matières, de déclinaison des surfaces et des volumes, de confrontation des corps et des images. Inclassable et donc précieuse, l’œuvre d’Henri Foucault nous permet ici de réfléchir à ce que la question des médiums a à voir avec une œuvre en partition…
Site web de l’artiste : https://www.henri-foucault.com
Photogramme et réflecteur.
52,5 cm x 42,7 cm.
Pièce unique ©
15 éléments. (250 cm x 150cm x 12 cm)
Pièce unique. © Henri Foucault
photogramme et épingles en inox.
©Lia Giraud
Vue de l'installation au festival Images de Vevey (Suisse)
© Henri Foucault
Pièce unique © Henri Foucault
Cadre recouvert d’étain 2 (42 cm x 130 cm) © Henri Foucault
Quelques pistes pour aller plus loin …
Aumont J : L’œil interminable, éd. La différence, 2007.
Frizot M, Païni D (co-dir), Sculpter- Photographier. Photographie-Sculpture, éd. MarVal/ musée du Louvre, 1993.
Heider, F, Chose et médium (1926), trad, éd E. Alloa, Vrin, 2017.
Goodman, N, Langages de l’art, trad. J. Morizot, éd. Jacqueline Chambon, 1990.
Guido L, L’âge du rythme, cinéma, musicalité et culture du corps dans les théories françaises des années 1910-1930, éd. Payot, 2018.
Neusüss Floris.M, Das Fotogramm in der Kunst des 20.Jahrhunderts, Die andere Seite der Bilder Fotographie ohne Kamera, Köln Dumont, 1990.
McLuhan, M, Pour comprendre les média, trad, J.Paré, éd du Seuil, 1977.
Malabou, C, (dir), La plasticité, éd Léo Scheer, 2000.
Meschonnic H, Poétique du traduire, éd Verdier, 2012.
Extraits:
M.D
Artiste, photographe, sculpteur, vidéaste… vous dessinez beaucoup, vous engrangez, un nombre conséquent de carnets qui rythment votre œuvre, une œuvre en partition ? Un « premier » médium de prédilection ?H.F
La sculpture : atelier de Isabelle Walbert - [qui] m’a révélé comment réaliser les choses dans la sculpture et pas de manière ostentatoire… j’ai aimé profondément la sculpture, çà a été mon médium de départ, mais la photo n’a jamais été très loin… Je me suis interrogé, inconsciemment, sur la manière de photographier des objet.s Dès l’origine j’avais en face de moi, ce qui a motivé toute mon œuvre… l’expérimentation, aller au fond des choses et en même temps s’interroger sur leur représentation. M-D : Chez vous, le médium serait proche de la pensée de l’un des premiers théoriciens des techniques mais aussi phénoménologue – sociologue, Fritz Heider (Chose et médium 1926) : « nous n’appréhendons pas que des choses qui entrent en contact immédiat avec notre épiderme mais bien souvent, nous appréhendons une chose à travers une autre… » (p. 35)… « à travers », passages d’un médium à un autre…H.F
J’ai étudié la sculpture, le modelage, la taille directe … mais ma connaissance de l’art a transité par des images… J’avais ces systèmes de représentation ... sous- jacents … et j’étais confronté à la matière qui elle agissait dans un temps différent. Très rapidement j’ai été pris dans une forme de contradiction entre les images qui me venaient à l’esprit et la durée du matériau… Comment je pourrais essayer de traduire ce qui m’animait au mieux, les formes ou « l’esprit des formes » avec un matériau qui me permettrait de le faire ? Je me suis beaucoup interrogé sur les formes sculptées à travers le médium photographique… je « dessinais » des formes à travers des fils de fer que je modelais avec mes mains que le posais sur une feuille photo sensible … - (photogrammes) … je fabriquais les cadres à l’époque et je mettais en périphérie - plomb, zinc, argent - les matériaux que j’utilisais dans ma sculpture... Je recherchais une forme mise à plat, à engendrer quelque chose qui serait du domaine du possible.M.D
La « photographie sculptée ». … L’apparition du corps dans votre travail…..Qu’est ce qui relie ce « sujet » à votre travail antérieur… H.F : Avec le corps…(pas la figuration) … sortir de l’abstraction pour appréhender d’autres domaines. J’ai étudié [l’histoire de la photographie] comme un artiste pas comme un historien… Comme dans l’histoire de la peinture… ou autre, il y a toujours un moment où la question de la représentation, du corps, de la nature … se pose. Comment aujourd’hui affronter… la représentation du corps… tous les grands photographes … se sont intéressés à la question du corps… si on veut bâtir une œuvre, on ne peut pas y échapper. Comment intégrer la question du corps à ce que j’avais mis en place ? « sculpter la photographie » (Dominique Païni) résume assez bien la relation que je peux avoir entre sculpture et photo… « Satori », « Sosein » … j’ai malmené le matériau photo comme un sculpteur peut malmener un matériau.M.D
Le « sujet » d’une œuvre … au-delà d’une thématique ou du médium … l’œuvre en partition se « dessine » peu à peu.. La partition - un support pour être interprété certes - mais être interprété avec d’autres ? « Danse avec moi » (2008). H .F : « Danse avec moi », exposition en 2008, à l’hôtel de la Monnaie de Paris – essayer des moments différents, déployer des œuvres qui correspondaient à des pratiques différentes ...[mais] je fais ces œuvres toujours dans le même esprit ..l’enjeu pour moi était là.. M.D. Le médium quitte celui de discipline pour devenir un lien, un objet de la pensée… H.F : Le médium photographique est un médium parmi d’autres mais plus que parmi d’autres quand même;… il y a une particularité du médium photo … il est manipulable à l’infini… je recherche dans mon travail, en utilisant toute sorte de matériaux, à peut-être ramener au même niveau tous les médiums… et faire une proposition…. étendue mais qui ramène vers le centre… comme une espèce de vortex… çà se déploie et le déploiement ramène le regard au centre… un système de pensée.. ce n’est pas une partition… C’est une œuvre en partition..M.D
« Variations », série de photogrammes … immense fresque quasi abstraite, derrière laquelle, l’on peut reconnaître ce qui nourrit, partitionne, et fait de votre œuvre, une œuvre en partition, tant dans la démarche que dans la forme… H.F : Exposition à Giverny 2015 … je me suis fixé de travailler sur le jardin d’eau de Claude Monet :… j’ai compris que son jardin c’est une pure abstraction… Pendant deux années j’ai photographié ce jardin comme n’importe quel touriste…… et dès la 1° séance j’ai vu que toutes les images étaient tout de suite photogéniques… j’ai fait des milliers de photos, des centaines de polaroids, j’ai fait des photos avec l’iphone… et pour aller jusqu’au bout de ma démarche, j’ai fait ce que j’ai toujours fait, j’ai fait des photogrammes… Comme un hommage à Monet, faire une grande fresque, comme une nymphéa mais en inventant des plantes aquatiques… Alors là, le process photo est un médium qui n’a pas d’importance, mais c’est le moyen qui m’intéresse et le moyen ne pouvait être que le médium photo… J’ ai essayé de trouver un ensemble miroitant qui évoquait les sensations que j’avais éprouvées devant cette pièce d’eau... l’idée, est que lorsque les gens passent devant la fresque, c’est le déplacement du spectateur qui fait vibrer la pièce…M.D
J’ai découvert votre travail dans les années 90-2000, dans une galerie photographique dès plus d’avant garde à l’époque, celle de Michèle Chomette…H.F
Michèle Chomette avait fait le lien physique dans la représentation entre sculpture et photographie… j’ y ai rencontré des gens qui avaient des préoccupations autour de la représentation photographique, Je ne suis pas du tout attaché à la tradition des médiums... Mon propos c’est l’objet en lui même et d’ailleurs je trouve formidable les métissages que l’on peut faire aujourd’hui entre les médiums contemporains notamment numériques, et les médiums traditionnels... c’ est extraordinaire les possibilités qui s’offrent à vous…tant que vous avez évidemment la nécessité de les utiliser… c’est toujours la même question. M-D : La « plasticité de la pensée de la photographie » (Henri Foucault)… l’œuvre en partition, … l’importance des carnets, et votre travail quotidien de dessin, de graphie…H.F
Les carnets, c’est ma mémoire, c’est ma prothèse … on n’a plus besoin d’accumuler dans la pensée ses objets, on les délègue… Les carnets.. là encore dans les carnets il y a une espèce de partition… ils m’accompagnent quotidiennement … ce sont essentiellement des notes dessinées, qui sont un outil de travail extraordinaire… j’ai la nécessité de les remplir … d’ailleurs je rêve un jour d’exposer les carnets… j’aime bien aussi montrer au public comment les idées viennent, comment les choses se font ...C’est la phrase de Paul Valéry, la main et la pensée sont indissociables. M-D : Votre œuvre en partition… une pensée traversante au-delà des supports et des disciplines… une sorte d’anachronisme aussi ?H.F
L’anachronisme, la contemporanéité… toutes mes pratiques sont là pour dire quelque chose … C’est mon autoportrait… en général on ne sait pas où me situer…Auteur:
Auteure :
Michelle Debat
Critique d’art, membre de l’AICA - France, professeur des universités, théoricienne de la photographie et de l’art contemporain. Elle a notamment publié son autoportrait théorique en photographie et art contemporain, La photographie : essai pour un art indisciplinable. éd. PUV. 2020.